Théorie et Évaluation des Politiques Publiques

7 Groupes Thématiques


Épistémologie et éthique de l’expérimentation

Yves de Curraize et Sylvie Thoron (LIPHA, UPEC)

Le souhait de concilier recherche et expertise, et la volonté de trouver un équilibre entre la demande politique, la demande sociale et les questions posées par nos disciplines constituent un ensemble d’objectifs ambitieux, et aussi un des motifs de la création de ce groupe de réflexion. La fédération TEPP rassemble des chercheurs qui utilisent diverses pratiques d’expérimentation. Certaines s’inscrivent dans le courant de l’économie expérimentale dont les expériences de laboratoires revendiquent un lien à la théorie assez fort, d’autres comme les expériences contrôlées ou essais randomisés, ont essentiellement pour finalité d’évaluer directement les politiques publiques.

Par ailleurs, nombre de chercheurs rattachés à TEPP pratiquent des expériences naturelles (doubles différences, régressions sur discontinuités), qui ne constituent pas de véritables expérimentations, mais peuvent s’y apparenter. Un des buts pratiques du groupe de réflexion sera d’inviter à penser la complémentarité entre ces différentes méthodes, en tentant notamment de clarifier ce qui peut éventuellement y faire obstacle. Dans cette perspective il importera aussi de retracer l’histoire de ces différentes méthodes et de comprendre la logique de leur constitution. On pourra enfin examiner leur rôle commun en tant qu’elles participent toutes, bien que différemment, à la façon dont l’économie se définit comme une science.

Nous nous interrogerons également sur la possibilité de nous appuyer sur plusieurs disciplines, pour l’évaluation des politiques publiques, alors que la science économique, ne se prête pas toujours facilement à l’interdisciplinarité. L’évolution des méthodes d’expérimentation atteste néanmoins de cette possibilité, tant du point de vue de l’économie expérimentale, qui a emprunté à la psychologie que de celui d’autres méthodes d’expérimentation qui s’appuient parfois sur des analyses ou des méthodes empruntant à la sociologie.

Par ailleurs, le groupe de réflexion se penchera sur les questions éthiques posées par la pratique de l’expérimentation. L’objectif sera moins de créer une nouvelle charte alors que différents exemples existent déjà, que de garder une approche agile et de considérer les questions qui émergent dans chaque contexte particulier. C’est un champ qui peut apparaître très différent des réflexions épistémologiques évoquées plus haut. On peut néanmoins lier ces deux domaines à travers la dimension normative de la science économique, que la pratique de l’expérimentation contribue peut être à réévaluer.

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Économie du droit

Bruno Deffains (CRED - U Paris II)

Le courant Law & Economics est né aux États-Unis au début des années 1960, avec les travaux d'économistes de l'Université de Chicago qui ont appliqué les instruments usuels de l'analyse économique à des domaines jusqu'alors relativement peu explorés par les économistes, comme les choix constitutionnels, les droits de propriété, les accidents ou les activités « illégales ». Depuis lors, les questions abordées se sont très largement diversifiées, touchant à tous les domaines du droit. Méthodologiquement, le courant s'est enrichi des avancées de l’économie, intégrant les apports de la théorie des jeux, de la microéconométrie ou de l'économie expérimentale, dans un souci de dialogue constant entre économistes et juristes.

L’Économie du Droit peut apporter énormément à l’évaluation des politiques publiques, à la fois dans la phase de conception des politiques et dans celle de leur réalisation concrète. L’efficacité même des politiques publiques n’est pas indépendante du cadre légal et règlementaire de leur mise en œuvre effective. Le groupe thématique sera un vecteur de diffusion de l’économie du droit au sein de TEPP, à la fois au travers de l’organisation de séminaire.

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Méthodologie de l'évaluation

Ferhat Mihoubi (ERUDITE-UPEC)

Les méthodologies de l’évaluation des politiques publiques ont été profondément renouvelées ces cinquante dernières années avec la diffusion des méthodes expérimentales et quasi-expérimentales et les progrès réalisés par la microéconométrie de l’évaluation (méthodes d’appariement, doubles différences, régressions par discontinuité, …).

Ce renouvellement s’est appuyé aussi sur les progrès de l’économie comportementale et sur le développement des lab experiment et celui des field experiment qui ont modifié à la fois la nature et la portée des évaluations de politiques publiques. La vocation du groupe thématique sur la méthodologie de l’évaluation sera d’organiser des manifestations visant à échanger sur les développements techniques en méthodologiques de l’évaluation des politiques publiques. Il s’agira aussi de fournir un support d’aides aux chercheurs sur les derniers développements des méthodes.

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Nudges

Serge Blondel (GRANEM - U d'Angers)

Les nudges, ou coups de pouce en français, sont des outils récents qui se basent sur la psychologie des acteurs. Popularisés en 2008 par le best-seller écrit par le prix Nobel 2017 d’économie Richard Thaler et Cass Sunstein, juriste, ils ont leurs racines dans les résultats de l’économie comportementale, qui intègre à la théorie économique les traits psychologiques bien identifiés.

Ainsi, les agents économiques dévient souvent des comportements prédits par la théorie économique standard, mais dans une direction prévisible. La manière dont est présenté un choix peut « pousser » les gens dans le sens souhaité par la politique publique. Ayant un coût négligeable, les nudges viennent compléter les incitations et règlementations utilisées par les décideurs publics.

Dans les travaux basés sur des expérimentations, il existe des nudges sans le dire. Citons ainsi des expérimentations sans le résultat attendu car les agents économiques mobilisent un trait psychologique bloquant, à l’image du biais de statu quo. Les nudges restent donc encore trop méconnus. Pour bien les utiliser, il faut qu’ils aient une assise théorique solide (quel trait psychologique ou comportement est mobilisé ?) et que leur évaluation soit précise (quel est leur effet propre ?).

Les nudges ont surtout été utilisés jusqu’ici dans les domaines de la santé, l’éducation, l’environnement, l’alimentation, les retraites ou la fiscalité, mais leur champ d’application couvre en réalité l’ensemble des politiques publiques qui dépendent toujours fortement de décisions d’agents économiques.

Le thème étant nouveau dans la fédération, nous commencerons par recenser les travaux de TEPP dans lesquels il existe un effet nudge, afin de constituer un groupe visible, où tout chercheur de TEPP a sa place. L’animation commencera par une journée d’étude spécifique, des interventions dans la conférence annuelle de TEPP, ou encore une initiation dans l’école thématique du CNRS. Un séminaire multi-sites via la visio-conférence renforcera l’animation. L’objectif est de développer de nouveaux projets fédérateurs sur les nudges, mais aussi d’intégrer ces derniers dans les grands projets de TEPP.

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Action publique locale

Clémence Christin (CREM - U Caen Normandie)

La dévitalisation de certains territoires est aujourd’hui un phénomène largement observé en France, conduisant le plus souvent à une dégradation de la qualité de vie des habitants du territoire. Ceci s’explique en partie par une offre territoriale inadaptée, sur un plan économique, mais aussi en termes d’infrastructures de santé, d’offre de logements, etc.

Afin de maintenir, voire d’améliorer la qualité de vie des habitants sur le territoire, il est indispensable de maintenir et développer une dynamique attractive sur ce territoire rural et urbain vaste et contrasté. Or, attractivité du territoire et offre territoriale sont inextricables, l’une nourrissant l’autre, et inversement. Leur développement conjoint suppose que les stratégies de développement du territoire favorisent au mieux l’adaptation de ce dernier aux mutations qui l’affectent.

Pour répondre de manière appropriée à ce questionnement, il s’agira dans un premier temps d’évaluer les conditions expliquant les difficultés du territoire ; dans un second temps, il sera nécessaire de proposer des méthodes et des investissements à même d’initier l’émergence d’une nouvelle dynamique sur le territoire ; enfin, dans un troisième temps, il s’agira d’évaluer les méthodes et investissements effectivement mis en œuvre. Tous les chercheurs de TEPP seront invités à indiquer s’ils sont intéressés par ce groupe thématique, et le cas échéant, préciser quelle(s) serai(en)t leur(s) approche(s) et/ou investissement.

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Économie des outremers

Jean-François Hoarau (CEMOI - U de la Réunion)

A l’image des Petites Économies Insulaires en Développement [PEIDs], les outremers français représentent un cas particulier pour l’environnement et le développement. Ces territoires sont tous frappées par un certain nombre d’handicaps structurels forts, liés à leur condition d’insularité, rendant compliquée la mise en place à terme d’un processus de développement durable.

En effet, les conditions géographiques (petite taille, éloignement, isolement, exposition à de nombreux chocs exogènes, écosystèmes fragiles), l’histoire (liens politiques particuliers avec l’ancienne puissance coloniale, dépendance par rapport à l’extérieur), la situation sociale (intensité faible et volatilité du capital humain, instabilité du marché du travail, insécurité), la structure économique (déséconomies d’échelle, marchés locaux limités, manque de diversification des activités économiques, accès difficile aux ressources externes, prévalence de monopoles naturels et de structures oligopolistiques) sont autant d’éléments révélateurs d’une vulnérabilité potentielle à l’origine des difficultés de développement rencontrées par ces espaces.

Ce problème de vulnérabilité est d’autant plus important qu’il est à l’origine de troubles évidents en termes de croissance économique, de pauvreté, d’inégalités et de durabilité. Il conditionne également la qualité de la politique économique et des institutions mises en place pour le combattre. Au final, même si les questions soulevées ne sont pas forcément nouvelles (chômage, convergence des niveaux de vie, éducation, capital humain, transition énergétique, réduction des inégalités, …), les modèles économiques standards et les recommandations associées en matière de politiques publiques ne peuvent pas s’appliquer en l’état. Une analyse particulière se focalisant directement sur les spécificités de ces économies et ces sociétés doit donc être entreprise. C’est précisément l’objectif de ce groupe de travail. Par ailleurs, ce dernier est susceptible de mobiliser un grand nombre de méthodes d’évaluation (macro-économétrie, micro-économétrie, économie expérimentale, modèle d’équilibre général calculable, …) et pourra s’appuyer sur les travaux déjà réalisés dans le cadre de l’association ATOM (ATelier sur les Outre-Mer).

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Alimentation végétale et condition animale

Romain Espinosa (CNRS - CIRED)

La question de la consommation de produits d’origine animale connaît un intérêt médiatique et social croissant depuis plusieurs années, donnant lieu à de nombreux débats. Les éléments à charge fournis par les associations de défense des droits des animaux convainquent toujours davantage de citoyen.ne.s à reconsidérer leur régime alimentaire. Les régimes dits végétariens, flexitariens, réductariens, végétaliens, ou encore le style de vie végane sont autant de nouvelles habitudes de consommation et de vie qui revendiquent également une dimension politique. La création d’un parti animaliste en France en 2016, qui a présenté des candidat.e.s dans 142 circonscriptions aux élections législatives de 2017, est caractéristique de la portée politique de ce nouveau mouvement social.

Ces revendications sociales et politiques s’appuient néanmoins sur de solides résultats académiques publiés ces deux dernières décennies. La recherche en sciences naturelles et en psychologie a en effet connu ces dernières années une incroyable effervescence sur le sujet. D’un point de vue environnemental, un consensus scientifique a émergé sur le lourd tribut écologique que représente la consommation de produits d’origine animale, et plus particulièrement la viande. D’un point de vue sanitaire, de nombreux travaux soulignent les bénéfices sur la santé de l’adoption d’une alimentation végétale.

La consommation de viande, et plus globalement de produits d’origine animale, est ainsi de plus en plus questionnée, par les travaux scientifiques d’une part, et par la population d’autre part. Alors que l’alimentation végétale est associée à de très nombreuses externalités positives (environnement, santé, éthique animale), les politiques publiques mises en place en France sont très en retard sur l’état de l’art et contredisent les préférences de la population. Le retard français sur la question appelle à une meilleure information des responsables politiques afin d’établir des recommandations alimentaires en adéquation avec l’état de la recherche.

Les économistes se sont jusqu’à présent peu saisis de la question de l’alimentation végétale, et, plus généralement, de la question de la condition animale. L’économie possède cependant de nombreux avantages méthodologiques et pourrait grandement contribuer aux débats académiques et publics sur ces questions. La question des mesures à mettre en œuvre pour amorcer une transition effective vers des alimentations davantage végétales, sollicite des discussions théoriques, des évaluations empiriques ainsi que des expériences de terrain et de laboratoire.